Fin des passoires thermiques et trajectoire ZAN
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Pour en finir avec les « passoires thermiques », la loi Climat et résilience de 2021 prévoit notamment que les propriétaires de logements mal isolés ne puissent progressivement plus les louer, à partir de 2025. Optimiser la qualité et l’usage du parc de logements anciens doit permettre à terme de limiter la construction neuve et l’artificialisation des sols. Mais rénover une passoire thermique présente un coût élevé ainsi qu’une certaine complexité technique et juridique. Comment aborder cette (délicate) question ?
Fin des passoires thermiques et trajectoire ZAN
La mise en œuvre de cette mesure va-t-elle accélérer la requalification du parc locatif ou, au contraire, provoquer la sortie de milliers de logement locatifs privés du marché, accroître la vacance et réduire l’accès au logement des ménage modestes et des étudiants ? Quelle réponse des agences d'urbanisme ?
Questions à Emmanuel Boulanger, responsable du cadre Fabrique du cadre de vie et copilote de la mission pour urbA4
La rénovation énergétique, un « angle mort » de la loi Climat et résilience ?
Le réseau des agences d’urbanisme d’Auvergne-Rhône-Alpes (urbA4) a été sollicité par l’Ademe début 2022 pour investiguer les conséquences potentielles de l’interdiction de la mise en location des passoires thermiques. Il s’agit pour l’Ademe d’accompagner les collectivités et leurs politiques locales dans la réduction des impacts négatifs de la mesure – ventes massives de passoires, hausse de la vacance, réduction du parc locatif à bas coût, tension sur les marchés locaux - et d’accroître la mobilisation de ce potentiel de logements pour contribuer à la sobriété foncière. À l’époque cette disposition avait encore assez peu fait parler d’elle hors des cercles professionnels. Aujourd’hui elle a pris une dimension à la fois plus médiatique (polémiques sur les DPE) et plus politique : les élus locaux s’inquiètent de l’impact à court terme sur leur marché locatif local et de leur capacité à accompagner davantage l’effort de rénovation dans un contexte de finances publiques tendues et face à l’ampleur du chantier de la rénovation thermique.
Quels constats ont été posés et quels objectifs pour les études ?
Il y a un vrai déficit de connaissances de l’état du parc existant, du nombre de passoires thermiques dans les territoires, de leurs caractéristiques, du profil des propriétaires ou des locataires concernés. Il est donc difficile pour les politiques locales d’appréhender l’impact de la loi, de calibrer et de cibler des réponses d’accompagnement à la rénovation. Notre objectif était d’améliorer la connaissance quantitative et qualitative du parc de passoires thermiques, de mieux appréhender les impacts de leur interdiction de louer dans la diversité des territoires régionaux et finalement, d’identifier les leviers pour accélérer la réhabilitation du parc de logements. Nous avons ciblé prioritairement les logements locatifs privés sur lesquels l’enjeu de massification de la rénovation énergétique est à la fois considérable et complexe.
Comment les agences se sont-elles mobilisées pour répondre à la demande de l’Ademe ?
Le début d’année était dédié à l’exploration et au partage. Nous avons conduit des entretiens exploratoires avec des acteurs aux profils variés (professionnels de l’immobilier, collectivités, ingénieries territoriales, etc.), animé des ateliers de travail et réuni des groupes d’experts (Alec, Adil, Soliha, Fnaim, Unpi, etc.) en impliquant les acteurs régionaux (Dreal, Région, etc.) et des collectivités locales diversifiées (en Isère, la Ville de Grenoble et Grenoble-Alpes Métropole, la Ville de Saint-Marcellin et son intercommunalité). Il s’agissait de défricher les enjeux, comprendre le positionnement des acteurs et partager les outils et solutions. Nous avons particulièrement ciblé les outils financiers mobilisables par les collectivités pour accompagner la rénovation des passoires thermiques par les propriétaires et les bailleurs.
Une fois cette culture commune établie, nous avons construit ensemble une méthodologie permettant d’estimer les logements concernés selon les types de territoires, en croisant diverses données disponibles à l’Ademe et dans les agences d’urbanisme (fichiers fonciers, données Perval et sur les DPE, etc.). Cette quantification à « grosse maille » a été mise en perspective avec les dynamiques de marché foncier et immobilier et sera partagée en 2023 avec les experts et les territoires.
Les travaux en cours en 2023 :
- Finaliser l'approche quantitative des passoires dans les EPCI d'Auvergne-Rhône-Alpes et réaliser et diffuser les résultats, la méthode.
- Présenter les résultats aux EPCI et débattre des impacts locaux de la sortie des passoires du marché locatif, et des leviers de politiques publiques (accompagnement de la rénovation, démarches de requalification, permis de louer, etc..).
- Valoriser l'ensemble des acquis de la réflexion lors d'un séminaire en fin d'année avec les élus des territoires et les partenaires concernés (Dreal, ARS, agents immobiliers, bailleurs sociaux...).