METTRE EN PLACE UNE COHORTE D’HABITANTS : INTERVIEW DE LUCAS JOUNY
Dans le cadre de l'évaluation du projet de renouvellement urbain de la Métropole, l'Agence a mis en place un suivi de cohorte. Focus sur un outil d’évaluation pertinent pour suivre des habitants et leurs modes de vie.
Lucas Jouny, démographe à l'Agence, nous l'explique.
Qu’est-ce qu’un suivi de cohorte ?
Le suivi de cohorte est une démarche d’enquête. Il s’agit de constituer un panel, ici d’habitants, qui sera enquêté plusieurs fois. Pour cette enquête nous les rencontrerons 3 fois, en six ans. On parle d’une étude longitudinale. Dans le cas de la cohorte de la Villeneuve de Grenoble, 45 personnes seront enquêtées, sur les mêmes thématiques, tous les deux ans (2020, 2022, 2024).
À la Villeneuve, entre résidents-dortoirs séduits par l’attractivité des prix et du cadre de vie (logement, parc…) et les habitants-militants qui constituent l’ADN de la vie du quartier, la diversité de profils et de parcours est large. Un échantillonnage a été mis en place afin de garantir la diversité sociale et d’ancienneté des personnes sur les quartiers ciblés.
Comment recrute-t-on une cohorte d’habitants ?
Nous allons à la rencontre des personnes au moyen de différents dispositifs d’information et de communication. Dans le cas de la Villeneuve, nous sommes allés directement à la rencontre de plus de la moitié des enquêtés, qui nous ont fait rencontrer d’autres personnes. Le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Pour les inciter à intégrer la cohorte, nous avons insisté sur l’intérêt de recueillir la parole des habitants et sur la neutralité des structures qui enquêtent et analysent.
Comment se déroulent les entretiens ?
Les échanges se font sous la forme d’entretiens semi-directifs, par des enquêteurs sociologues. Ni psychologue, ni journaliste, les enquêteurs ont pour mission de faire exprimer le vécu, le ressenti des personnes interrogées à partir de thématiques préétablies (ambiance, commerce, environnement, habitat, espace public, santé…). Il faut parvenir à les fidéliser pour que l’entretien soit reconduit deux ans plus tard.
Durant près de deux heures, les habitants détaillent leur rapport au quartier. La discussion, bien plus riche qu’un questionnaire unique, permet d’approfondir les sujets et d’amener les personnes à cheminer dans leurs réflexions et visions du quartier. Les séniors par exemple se rendent compte qu’ils sont plus mobiles qu’ils ne le pensent. Ou les personnes exprimant de prime abord un sentiment d’insécurité nuancent finalement leur propos à mesure de l’entretien.
Comment analyser les retours d’enquêtes ?
Contrairement à l'étude quantitative, on ne recherche pas la représentativité de l'échantillon, mais sa significativité. Le poids de la parole de chaque enquêté est pondéré (émotion, récurrence dans le discours…).
À partir des entretiens bruts, nous réécoutons attentivement et catégorisons chaque enseignement (une phrase, l’expression d’un ressenti, un fait social…) à l’aide d’une grille d’analyse thématique. Celle-ci croise les principaux contours du projet de renouvellement urbain et des dimensions d’Ibest.
À partir de là, nous pouvons analyser les profils des individus au regard de ces thématiques, tout comme nous pouvons tenter de répondre à nos questions de recherche par enjeux, par thématiques.
Par exemple, à l’aide d’une analyse ascendante hiérarchique (CAH) qui relève de l’analyse multidimensionnelle, nous avons pu définir une typologie des enquêtés. Cette méthode permet de les répartir selon une logique des « plus proches voisins » en fonction des similarités de profils. Six profils ont ainsi émergé de notre analyse. Celle-ci servira de référence pour mesurer, évaluer, comparer les évolutions des personnes dans les enquêtes à venir. La classification pourra également être exploitée pour d’autres usages par les services de la Métropole.