Article rédigé par un collectif d’auteurs de l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise pour Traits d'agence, le magazine de la Fnau, Juin 2020
Le Programme local de l’habitat au secours de la santé dans un territoire fragile de l’Isère
Intégrer un volet santé dans le programme local de l’habitat de leur territoire, tel est le pari des élus de Saint-Marcellin Vercors Isère Communauté. Le contexte est celui d’un parc ancien déqualifié, propice à la précarité énergétique, en particulier à Saint-Marcellin, ville centre dotée d’un quartier prioritaire de la politique de la ville. Malgré l’arrivée d’une maison de santé pluridisciplinaire intercommunale, l’offre de soins est faible. L’approche santé du programme local de l’habitat est l’occasion pour les élus d’approfondir leur diagnostic et de mobiliser les acteurs.
Créer un habitat favorable à la santé et lutter contre le mal-logement est dans l’ADN des politiques de l’habitat régies par le code de l’habitat et de la construction. Les objectifs et normes de construction tendent à produire un habitat sain, accessible aux personnes à mobilité réduite, adapté aux personnes âgées, à limiter les dépenses énergétiques… Pour autant, paradoxalement, la question même de la santé fait rarement l’objet d’une approche spécifique lors de l’élaboration d’une politique de l’habitat.
La feuille de route que constitue le document réglementaire en la matière est une opportunité à saisir. Il va peser sur les dispositifs de requalification de l’habitat ancien comme sur la localisation et la programmation du logement neuf pour six ans. Le diagnostic permet de mailler les problématiques territoriales, sociales et démographiques. Quant à la démarche d’élaboration, elle peut sensibiliser et mobiliser l’ensemble des acteurs concernés (élus et techniciens, bailleurs sociaux, promoteurs, structures de conseil et d’ingénierie, professionnels du social et de la santé, associations…).
Dans le cadre expérimental du programme local de l’habitat de Saint-Marcellin Vercors Isère Communauté, le fait d’engager une approche santé à part entière a ouvert la réflexion. Des problèmes d’isolement ou de la santé mentale ont ainsi été révélés grâce au diagnostic sanitaire de l’Observatoire régional de la santé. L’Agence d’urbanisme de la région grenobloise a pu préconiser par exemple l’implantation de logements sociaux à proximité des centralités, une implantation identifiée comme facteur de mieux-être. En outre, l’analyse du gisement foncier a intégré des critères environnementaux tels que l’exposition aux nuisances sonores, à la pollution… Elle peut aider à prioriser demain les lieux propices à l’habitat.
Intégrer plus systématiquement la santé aux différentes phases du PLH
La prise en compte de la demande sociale autour de la santé dans la définition des politiques d’habitat reste encore trop sous-entendue (via certains programmes de production de logement social, de lutte contre l’habitat indigne et contre la précarité énergétique). Elle gagnerait à être plus explicite. Cela confère davantage de force aux actions envisagées en matière de logements. Souvent très techniques, les actions sont revues sous l’angle du bénéfice pour l’usager, plus particulièrement pour les populations vulnérables (ménages à faibles ressources, familles mono-parentales, personnes âgées, enfants).
Sur ce projet, de nombreux champs en matière d’intégration des enjeux de santé ont été explorés avec le territoire, qui sont autant de pistes de travail : habitat inclusif ; politiques de lutte contre la précarité énergétique ; qualification du gisement en fonction des enjeux environnementaux ou conditionnement des subventions en fonction d’objectifs de santé. Avec pour objectif la santé comme argument supplémentaire en matière de programmation du logement social sur nos territoires.
Première approche des liens habitat/santé, l’expérimentation a notamment fait comprendre qu’il reste à mettre au point des méthodes d’intégration plus systématique des déterminants de santé, à toutes les étapes d’élaboration du document (diagnostic, programmation, conditionnalité des subventions, paramétrage des dispositifs de requalification, conception des opérations d’habitat, évaluation). La sensibilisation et la mobilisation des acteurs (de la chaîne du logement, mais aussi de la santé, du social, de l’urbanisme, des collectivités) doivent pouvoir se poursuivre par une animation permanente, avec des ateliers, des indicateurs de suivi, la déclinaison des objectifs dans les dispositifs opérationnels, etc.
Enfin, le programme ne pèse pas seul sur l’habitat, sa localisation et ses caractéristiques : il paraît très complémentaire de décliner les approches santé dans le cadre des documents d’urbanisme et à travers des démarches opérationnelles. Le projet de renouvellement urbain du centre de Saint-Marcellin pourrait ainsi être une opportunité pour lancer une démarche d’urbanisme favorable à santé.
Mettre en place un groupe de travail transverse permettrait d’approfondir les méthodologies de croisement de données en intégrant les données de santé, et d’inclure les problématiques de santé environnementale à l’amont de la production des portraits de territoires. Un défi à relever pour les agences ? Cela serait de participer à l’intégration de la santé dans les documents d’urbanisme notamment dans les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, qui intègrent les orientations en matière d’habitat.
Missionnée par l’Agence régionale de santé et la direction régionale de l’environnement et de l’aménagement et du logement pour identifier un territoire d’expérimentation dans le cadre de l’action 17 du 3 Auvergne Rhône-Alpes, l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise a proposé d’intervenir auprès de la communauté de communes de Saint-Marcellin Vercors Isère Communauté (47 communes), un territoire rural volontariste qui élabore son programme local de l’habitat (PLH). L’occasion d’éprouver un partenariat nouveau entre l’Agence régionale de santé (ARS) et l’Observatoire régional de santé (ORS), particulièrement riche au plan méthodologique et de la mutualisation des réflexions.